mercredi 20 mai 2015
Dans cet article très instructif et passionnant du 18 mai 2015, Jim Rickards nous donne une leçon d’histoire en montrant comment Hugo Stinnes, un industriel allemand, est devenu l’un des hommes les plus riches de la planète durant l’une des pires catastrophes économiques de l’histoire, la république de Weimar, tout en mettant en évidence les étranges similitudes entre sa stratégie et les décisions d’investissement récentes de Warren Buffett.
« Hugo Stinnes est quasi un inconnu aujourd’hui, mais ce ne fut pas toujours le cas. Au début des années 20, c’était l’homme le plus riche d’Allemagne, du temps où le pays était la 3e puissance économique mondiale. C’était un industriel et un investisseur qui possédait un portefeuille varié en Allemagne et à l’étranger.
Les chanceliers et les ministres de la république de Weimar prenaient souvent conseil auprès de lui sur des questions économiques et politiques. À de nombreux points de vue, Stinnes jouait en Allemagne un rôle similaire à celui de Warren Buffett aujourd’hui aux États-Unis.
C’était un investisseur richissime dont les opinions comptaient, qui exerçait une influence importante dans les coulisses et qui semblait toujours prendre les bonnes décisions au bon moment sur les marchés.
Si vous connaissez un peu l’histoire économique, vous savez qu’en 1922-1923, l’Allemagne a vécu le pire épisode d’hyperinflation qu’un pays développé ait jamais connu. Le taux de change entre le reichsmark et le dollar est passé de 208 au début de 1921 à 4,2 trillions à la fin 1923.
À ce moment, le reichsmark avait perdu toute valeur, on balayait les billets de banque dans le caniveau comme de vulgaires détritus. Pourtant, Stinnes ne s’est pas fait lessiver durant cet épisode. Pourquoi ?
Stinnes est né en 1870 dans une famille allemande aisée active dans le secteur du charbon. Il a travaillé lui-même dans des mines afin d’acquérir une expérience pratique du secteur et s’est formé à l’académie des mines de Berlin.
Plus tard, il a repris le flambeau de l’affaire familiale en la développant. Il s’est ensuite diversifié dans le transport maritime en achetant des sociétés. Ses propres bateaux servaient à transporter son charbon en Allemagne sur le Rhin, ainsi qu’à l’exporter. Ses navires transportaient aussi du bois et des céréales. Il avait également acheté un grand journal qu’il utilisait pour asseoir son influence politique.
Avant l’hyperinflation de Weimar, Stinnes a emprunté d’énormes sommes d’argent en reichsmarks. Lorsque l’hyperinflation s’est manifestée, Stinnes s’était parfaitement positionné. Son charbon, son acier et ses bateaux conservaient leur valeur.
Ce qui se passait avec la devise allemande n’avait aucune espèce d’importance, un actif tangible dispose toujours d’une valeur intrinsèque, même lorsque la monnaie perd toute valeur. Les actifs de Stinnes à l’étranger lui ont également été d’un grand secours vu qu’ils généraient du profit en devises solides, et pas en reichsmarks sans valeur. Une partie de ces profits fut conservée à l’étranger sous la forme d’or gardé dans des coffres en Suisse.
De cette façon, il pouvait se protéger de l’hyperinflation et de la taxation allemande. En définitive, Stinnes a pu effacer ses dettes en reichsmarks en les remboursant avec du papier sans valeur. Non seulement il ne fut pas impacté par l’hyperinflation de Weimar, mais son empire financier prospéra pour le rendre plus riche que jamais.
Il étendit son portefeuille d’actifs en rachetant ses concurrents en faillite. Stinnes a gagné tellement d’argent durant la république de Weimar qu’il fut surnommé l’Inflationskönig, le Roi de l’Inflation. Lorsque les choses rentrèrent dans l’ordre et que l’Allemagne réintroduisit une devise adossée à l’or, Stinnes faisait partie des hommes les plus riches du monde alors que la classe moyenne allemande avait été détruite.
Buffett imite Stinnes presque un siècle plus tard
Chose intéressante, Warren Buffett utilise aujourd’hui la même stratégie. Il semblerait que Buffett ait méticuleusement étudié Stinnes et se prépare à la même catastrophe que Stinnes avait anticipée : l’hyperinflation. En 2009, Buffet a beaucoup investi dans les transports, notamment en achetant la société ferroviaire Burlington Northern Santa Fe.
Cette société compte de nombreux actifs tangibles, comme des droits de passage, des droits d’exploitation minière, un réseau ferroviaire et du matériel roulant. Le chemin de fer rapporte de l’argent en transportant des actifs tangibles, comme du minerai ou des céréales. Ensuite, Buffett a investi dans l’énergie au Canada en achetant Suncor.
Aujourd’hui, Buffett transporte son pétrole Suncor avec ses trains de la même façon que Stinnes transportait son charbon avec ses bateaux en 1923.
Pendant des décennies, Buffett fut également le propriétaire de l’un des journaux les plus puissants des États-Unis, le Washington Post. Il a récemment vendu sa participation majoritaire, mais il possède toujours des médias. Il a également acheté de gros actifs en Chine et ailleurs qui produisent des profits en devises autres que le dollar, qui peuvent être parqués à l’étranger sans être taxés.
Buffett possède également beaucoup d’actions du secteur financier, notamment de banques et d’assurances, soit des emprunteurs très leveragés. Comme Stinnes dans les années 20, Buffett pourra être bénéficiaire de l’effacement de la dette par l’inflation de ces géants financiers lorsqu’ils redéployeront leurs propres actifs pour se protéger de leurs propres expositions.
En bref, Buffett imite Stinnes. Il emprunte pour se diversifier sur des actifs tangibles comme l’énergie, les transports et les devises étrangères. Il utilise ses médias et son prestige pour connaître tous les petits secrets des coulisses de la politique. Aujourd’hui, le positionnement de Buffett ressemble furieusement à celui de Stinnes en 1922.
Si les États-Unis devaient être victime d’hyperinflation aujourd’hui, les résultats de Buffett seraient similaires à ceux de Stinnes. La valeur de ses actifs tangibles exploserait, sa dette disparaîtrait comme par magie et il serait en position de racheter ses concurrents en faillite. Bien sûr, les classes moyennes américaines seraient détruites comme ce fut le cas en Allemagne.
Le conseil que je vous donne, lorsqu’il s’agit de milliardaires comme Buffett, est d’observer ce qu’ils font et pas ce qu’ils disent. Stinnes avait anticipé l’hyperinflation allemande et s’était positionné en conséquence. Pour vous aussi, il n’est pas trop tard pour prendre les mêmes précautions. »
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